Prvi Deo
Raphaël Grisey and Florence Lazar
(66)
(First Part)
Description in:
- English
- Français
The film is constructed around the current affairs topic of a trial in Belgrade, the first of its kind in Serbia to accuse Serbs of war crimes for their part in the Ovcara massacre near Vukovar in 1991, the first major massacre of the Yugoslavian wars in the 1990s. In a house in Belgrade, the families of victims bring up their observations of the trial, recounting and discussing it. In Vukovar, in a car travelling through the town at night, a voice talks of invisible traces. At the tribunal, the families and lawyers talk of the trial’s exhibits and issues. Two scenes in the room of the disappeared in Zagreb and at the scene of the crime give concrete expression to the past event.
À propos de Prvi deo
Au départ l’axe de recherche du film portait sur une idée de l’anthropologue Stéphanie Mahieu, sur la comparaison du système et du fonctionnement de deux juridictions, celle du tribunal International pour l’Ex-Yougoslavie à La Haye et celle de la cour nationale spéciale serbe, nouvellement créée, qui allaient s’intéresser au même événement, le massacre d’Ovcara, près de Vukovar. Dans la première seraient jugés les hauts responsables, trois haut-gradés de l’armée fédérale Yougoslave (JNA), dans la seconde, les exécutants membres ou responsables de milices (la Force Territoriale). Nous avons décidé de porter notre attention sur le procès à Belgrade.
Ce procès, premier du genre en Serbie, met en accusation 18 membres de la défense territoriale serbe pour leur participation au massacre d’Ovcara près de Vukovar en Croatie en novembre 1991.
Notre questionnement initial a été large: La judiciarisation des crimes de guerre est-elle un passage obligé vers la réconciliation? Au nom de qui la justice est-elle rendue? Peut-on faire l’économie d’un travail de mémoire? Comment établir le degré de responsabilité des responsables politiques et militaires? Comment s’est effectué le passage à la violence?
Le tribunal accepte comme pièces à conviction des témoignages, des preuves matérielles (cadavres et charniers), mais aussi des articles de presse, des ouvrages divers, des comptes-rendus militaires et civils, des vidéos, des photographies. Quel sera le statut de ces éléments preuves hors du cadre du tribunal? Les gens vont-ils se réapproprier ces récits et ces témoignages et comment?
Ces axes d’approche nous ont permis d’aborder l’existence de conflits d’interprétations non pas quant aux faits eux-mêmes, mais quant au sens qui leur est donné. Qu’est-ce qui fonde les différents récits sur les événements ? L’exigence de vérité, de réparation, une idéologie nationaliste, le travail de deuil?
Le tournage du film s’est construit dans l’actualité d’un procès à Belgrade, en Serbie, de mars 2004 à novembre 2006. Pendant près de deux ans, nous nous sommes rendus huit fois à Belgrade à Vukovar. À Belgrade nous avons suivi sporadiquement le procès que nous ne pouvions pas filmer pour y rencontrer les protagonistes. Nous nous sommes intéressés à un groupe qui venait régulièrement au procès et qui avait été touché directement par le massacre, par la perte d’un ou de plusieurs de leurs proches. Nous avons accumulé près de 80 heures de rushes.
L’objet du film n’est pas de rendre compte directement du déroulement du procès mais de le donner à voir comme un instrument de remémoration et comme un processus lent d’établissement des faits. Vukovar et Belgrade sont deux lieux où la réalité et la représentation de la guerre ont été différentes, incompatibles et restent non réconciliées.
Le montage du film articule plusieurs registres de parole, et particulièrement celles des familles des victimes présentes au procès. Tout d’abord le film est parcouru par une voix solitaire. À Vukovar, dans l’espace intime d’une voiture roulant de nuit à travers la ville natale, la voix hors-champs de la conductrice nous montre des traces invisibles au premier regard dans le paysage. Seule la voix de la conductrice porte l’imaginaire et le réel de cette guerre. C’est à cet endroit que se construit peu à peu la structure du film, un film qui nous parle de fragments d’événements et de corps. Dans ces scènes, on parcourt une ville où s’est déroulée la guerre. La conductrice n’est vue qu’à travers un rétroviseur. Ces scènes commencent et ponctuent le film et évoquent l’invisible image du siège de Vukovar dans le quotidien nocturne de la ville.
Ensuite, dans ce qui forme le premier temps du film, les familles des victimes qui suivent le procès prennent la parole collectivement. Ce groupe de familles de victimes sont les témoins indirects du massacre et les témoins directs du siège de la ville de Vukovar. Le procès qu’ils suivent régulièrement constitue pour eux un moyen de chercher des indices qui leur permettraient de retrouver les corps de leurs proches. C’est dans le contexte du procès que se construisent des cadres d’émergence de la parole où le rapport de chacun à ce qui lui reste peut de nouveau être convoqué. La caméra a recueilli lors de discussions les errements de la parole, les tentatives de rassembler des éléments pour fournir des preuves, l’évocation collective des parcours possibles de leurs proches et de leurs ultimes faits et gestes, l’évocation du passage à la violence et des prémisses du massacre. Ces souvenirs de 1991, ces observations et ces remarques sur le déroulement du procès ont été filmées dans des chambres et le hall d’un hôtel belgradois, lieu impersonnel. La ville de Belgrade est hostile et inquiétante pour la plupart les familles qui ne sont pas revenu ici depuis l’avant-guerre.
Dans le deuxième temps du film, le procès et son contexte belgradois sont mis en présence. Dans les couloirs d’audience du procès, des groupes se forment et s’observent, les familles parlent des pièces à conviction avec les avocats. Une liste rédigée par un des commanditaires du crime circule de main en main parmi les familles pour essayer d’y retrouver le nom d’un proche, une vidéo montrée par la défense est analysée et critiquée par la secrétaire de l’association des familles de victime auprès d’un avocat de l’accusation.
À la parole des familles, s’ajoute d’autres voix comme celle d’un avocat à décharge et celle d’une avocate à charge. Par ce biais les enjeux du procès et la corrélation complexe entre le système judiciaire national et le tribunal international pour l’ex-Yougoslavie de La Haye sont évoqués.
Deux scènes, une dans la salle des disparus à Zagreb où sont recueillis les corps non-identifiés des guerres des années 1990 et de la seconde guerre mondiale, et l’autre sur le lieu du crime à Vukovar, entre un camion et des planches, matérialisent la violence et évoquent le procès de l’extérieur et d’un autre point de vue. Elles font intervenir respectivement un ancien colonel croate responsable de l’identification des corps et un témoin direct, victime de mauvais traitements et de torture.
Le contexte serbe et sa relation avec l’ancienne centralité yougoslave est évoqué brièvement par quelques plans: la Place de la République, le sanctuaire de Tito, une brève image d’archive et le jardin de Kalimegdan à Belgrade. Le procès réactualise l’événement et l’établissement des faits soulève des enjeux politiques en Serbie.
À partir de la lente restitution d’histoires personnelles et fragmentaires se découvre une macro histoire du démantèlement brutal de la Yougoslavie. Le film traduit à travers différents registres narratifs ces processus en cour dans la région. Le film propose un parcours mental, où les représentations de la guerre sont évoquées à partir de ceux qui ont perdu leurs proches. Les apparitions sommaires du tribunal, les discussions dans ses couloirs confèrent à l’événement une actualité. L’absence d’archive permet de redonner aux différents registres de parole toute leur puissance d’évocation et d’inscrire la permanence de l’événement dans l’inconscient collectif.
Producer
Raphaël Grisey, Florence Lazar, Le Fresnoy, Studio National des Arts ContemporainsLanguage of Production
Serbo-croatian, English, French, GermanSubtitles
English, FrenchProduction Location
FranceCredits
- Images, sound and editing: Florence Lazar et Raphaël Grisey
Work Presentations
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PRVI DEO, film screening at Jeu de Paume
Talk with Florence Lazar, Florence Hartmann and Joël HubrechtParis, FR
30 April–30 April 2019Film Screening